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Financement immobilier halal au Canada – Défis liés aux produits traditionnels

admin_dev juin 2, 2022

Cet article explique en détail pourquoi les trois produits traditionnels de financement immobilier conformes à la charia ne sont pas compatibles avec l’économie canadienne.

Il y a trois ans, lorsque je me suis lancé dans une mission visant à introduire à grande échelle le financement immobilier conforme à la charia au Canada, la première chose que j’ai faite a été d’étudier les raisons pour lesquelles le financement immobilier halal n’était pas disponible à grande échelle malgré l’énorme demande au Canada, avec sa population musulmane de 1,6 million d’habitants et son marché du financement immobilier conforme à la charia de 225 milliards de dollars canadiens, qui devrait doubler dans les dix ans à venir !

Il a fallu plusieurs mois de discussions avec des experts du secteur financier, des spécialistes de la charia, des professionnels du secteur de la finance islamique et des juristes canadiens, ainsi qu’une lecture détaillée de la loi relative à l’impôt sur le revenu, de la loi relative aux courtiers en hypothèques, aux prêteurs et aux administrateurs. (« MBLAA »)Je me suis donc lancé, avec l’aide de nombreux professionnels des secteurs financiers islamiques et canadiens, dans l’élaboration d’un produit qui fonctionne pour le Canada !

Actuellement, dans le monde entier, il existe trois principales structures de produits de financement immobilier conformes à la charia. Il s’agit de

Murabaha simple

Murabaha signifie « financement à prix coûtant majoré ». Dans un produit Murabaha simple, le financier achète le bien sous-jacent au vendeur, puis le revend immédiatement à son client avec un bénéfice convenu à l’avance. Étant donné qu’il s’agit d’une vente et d’une revente, le riba est totalement évité et remplacé par un profit conforme à la charia. Le montant total du coût majoré devient le principe que le client doit maintenant payer au financier, et il est remboursé sur la durée de financement convenue, par exemple 10, 15, 20 ou 25 ans, etc.

Le lecteur doit noter que les institutions financières islamiques utilisent également des produits Murabaha alternatifs qui sont purement conformes à la Charia et aux normes mondiales de l’AAOIFI, mais qui ne dépendent PAS de l’achat et de la revente du bien immobilier sous-jacent lui-même. Le produit d’EQRAZ basé sur la Mourabaha est un exemple de ce type de produit. https://eqraz.com/our-halal-mortgage/

Moucharaka décroissante (« partenariat »)

Dans le cas d’un produit à Moucharaka décroissante, le financier et le client achètent conjointement le bien. Ensuite, chaque mois (ou autre période de paiement convenue), le client verse au financier deux types de paiements : (a) des paiements pour l’achat d’une propriété, le client achetant une partie de la propriété au financier, et (b) le paiement d’un loyer par lequel le client dédommage le financier pour l’utilisation de la partie de la propriété appartenant à ce dernier. Dans presque tous les cas, les paiements réguliers suivent exactement le même schéma d’amortissement que celui d’un prêt hypothécaire classique.

Ijara (« bail »)

Dans un produit Ijara, le financier achète le bien et le loue au client contre des paiements mensuels égaux (ou convenus d’une autre manière), puis transfère la propriété au client à la fin contre une valeur résiduelle nominale. Comme dans le cas d’une Moucharaka dégressive, les paiements réguliers suivent exactement le même schéma d’amortissement que celui d’un prêt hypothécaire classique.

La section ci-dessous aborde en détail les problèmes auxquels chacun de ces trois types de produits est confronté au Canada et pour lesquels il est actuellement très difficile de les proposer à grande échelle.

Murabaha simple

Des trois types de produits traditionnels, la Mourabaha simple est la plus facile à structurer du point de vue de la documentation.

Complication n° 1 : inabordable et non renouvelable

Le prêt hypothécaire conventionnel le plus courant au Canada est un prêt à taux fixe d’une durée de cinq ans et d’une période d’amortissement de 25 ans. Tous les cinq ans, il est d’usage que les clients renouvellent leur hypothèque conventionnelle à un nouveau taux de profit basé sur les conditions économiques à la fin de la période de cinq ans. En effet, la législation canadienne exige que les clients aient la possibilité de rembourser intégralement leur prêt hypothécaire tous les cinq ans ou de le transférer à un autre organisme de crédit hypothécaire[1].

Les trois façons dont une simple Mourabaha peut être amortie au Canada sont présentées ci-dessous :

1. Murabaha sur cinq ans – Inabordable pour le client car les paiements libératoires ne peuvent être financés

Si la période d’amortissement et la durée d’une Mourabaha étaient de cinq ans, les paiements hypothécaires des clients seraient très élevés, ce qui limiterait considérablement le nombre de personnes pouvant prétendre à un tel prêt. Un prêt hypothécaire de 450 000 CAD payé sur cinq ans pour financer l’achat d’une maison de 600 000 CAD pourrait générer des paiements hypothécaires de près de 9 000 CAD par mois, ce qui, pour être abordable et répondre aux normes canadiennes de souscription des ratios de service de la dette brute pour l’obtention d’une assurance hypothécaire, nécessiterait que le revenu annuel du ménage du propriétaire soit très élevé (plus de 300 000 CAD).[2]. Pour mettre ce chiffre en perspective, le revenu annuel médian moyen des ménages au Canada lors du dernier recensement en 2011 était de 76 000 CAD.

Par ailleurs, si la période d’amortissement est plus longue que la durée du prêt hypothécaire, le client sera contraint de clôturer la Murabaha en effectuant un paiement libératoire substantiel à la fin de la durée du prêt. Toutefois, il n’est pas possible d’établir une nouvelle Mourabaha pour financer le paiement du solde, puisqu’il n’y a pas d’autre bien à vendre et qu’il n’est pas permis d’utiliser le même bien qui a fait l’objet d’une précédente opération de Mourabaha avec le même client (AAOIFI Shariah Standard 8, Clause 2/2/8). Par conséquent, l’alternative consistant à avoir des paiements continus moins élevés et un paiement final important n’est pas possible avec une structure Murabaha.

2. Murabaha à 10 ans – Inabordable pour le client et indûment risquée pour l’investisseur professionnel

Le même problème d’accessibilité financière restreinte qui s’appliquerait à un produit Murabaha de cinq ans s’appliquerait également à un produit Murabaha de dix ans. Par exemple, un prêt hypothécaire de 450 000 CAD remboursé sur 10 ans pourrait générer des paiements d’un peu plus de 5 000 CAD par mois, ce qui nécessiterait également que le revenu annuel du ménage du propriétaire soit très élevé (plus de 185 000 CAD), limitant considérablement le nombre de demandeurs de prêts hypothécaires qui répondraient aux exigences de souscription d’un produit hypothécaire Murabaha sur 10 ans.

Comme la législation canadienne ne permet pas à un emprunteur d’être bloqué dans un contrat hypothécaire avec un prêteur particulier pendant plus de cinq ans, en pratique, l’emprunteur doit avoir le droit de renouveler le prêt hypothécaire tous les cinq ans. Toutefois, en raison des risques importants liés à l’exigence légale canadienne selon laquelle les clients doivent avoir la possibilité de rembourser intégralement leur hypothèque tous les cinq ans, ou de la transférer à un autre fournisseur de prêts hypothécaires, sans pénalité financière autre que minime, une hypothèque d’une durée supérieure à cinq ans ne serait généralement pas souhaitable pour les sources de financement professionnelles pratiquant des techniques avancées de gestion des risques liés à l’appariement de l’actif et du passif. Cette indisponibilité de capitaux provenant de sources d’investissement professionnelles rendrait un produit Murabaha à 10 ans indisponible à grande échelle, laissant la grande majorité des clients musulmans dans la même situation que celle dans laquelle ils se trouvent actuellement.

3. Murabaha avec une durée et un amortissement supérieurs à 10 ans – Abordable pour le client mais indûment risqué pour les investisseurs professionnels

Les périodes d’amortissement et les durées supérieures à 10 ans seraient beaucoup plus souhaitables pour les clients. Par exemple, un prêt hypothécaire de 450 000 CAD remboursé sur 25 ans pourrait générer des paiements d’un peu moins de 3 000 CAD par mois, ce qui nécessiterait un revenu du ménage d’un peu plus de 115 000 CAD par an. Cependant, comme expliqué ci-dessus, un produit hypothécaire Murabaha d’une durée supérieure à 10 ans ne serait pas souhaitable pour les sources de financement professionnelles.

Pour résumer les options de durée de la Mourabaha mentionnées ci-dessus, étant donné qu’il serait extrêmement difficile de trouver auprès d’investisseurs professionnels les capitaux nécessaires pour financer des produits de Mourabaha d’une durée supérieure à cinq ans et qu’un produit hypothécaire de Mourabaha d’une durée de cinq ans serait inabordable pour la grande majorité des acheteurs potentiels, un produit de Mourabaha n’est pas viable sur le marché canadien.

Complication n° 2 : Pas de financement des travaux de rénovation

Étant donné que le bénéfice établi à l’origine d’un produit de financement Murabaha ne peut être modifié, une Murabaha ne permet pas un financement supplémentaire à des fins de rénovation puisque l’actif sous-jacent est déjà la propriété du client. Au Canada, il est courant que les clients achètent des maisons nécessitant des rénovations, puis les rénovent après l’achat, car cette pratique offre une bien meilleure valeur globale aux acheteurs. Nous pensons que de nombreux clients musulmans suivront cette pratique et auront donc besoin d’un financement pour la rénovation.

Complication n° 3 : impossibilité de transférer les prêts hypothécaires conventionnels existants

De nombreux musulmans canadiens ont reçu l’autorisation de leur imam de contracter un prêt hypothécaire conventionnel auprès d’une banque et continuent à payer des intérêts sur ces prêts, en raison de la rareté des produits de financement conformes à la charia au Canada. Le produit d’EQRAZ, cependant, permettrait à ces musulmans de refinancer immédiatement la partie principale de leurs prêts existants et de cesser immédiatement d’avoir affaire au riba. Ils peuvent également refinancer le principe de leur prêt à la fin de la durée de celui-ci afin d’éviter les pénalités d’intérêt.

Complication n° 4 : impossibilité de transférer l’hypothèque Murabaha

Étant donné que le bénéfice établi à l’origine de l’hypothèque ne peut être modifié, une Mourabaha ne permet pas de transférer une hypothèque lorsque le propriétaire souhaite déménager pour un certain nombre de raisons très courantes, dont voici quelques exemples :

– Déménager dans un logement plus grand lorsque la famille s’agrandit

– L’achat d’un meilleur logement en raison de l’augmentation rapide des revenus au cours des 10 à 15 premières années de la carrière.

– Déménagement en vue d’une réorientation de carrière ou d’un changement d’emploi

– Consolidation des ménages sur le mariage

– Réduction des effectifs après que les enfants ont terminé leurs études ou se sont mariés

– Réduction des effectifs à la retraite

– Réduction des effectifs en raison de difficultés financières (divorce, licenciement, faillite de l’entreprise, etc.)

– Déménager pour faciliter les soins aux personnes âgées

– Déménager dans un district où les écoles sont meilleures

– S’installer dans son pays d’origine

Avec un produit Murabaha, un client ne trouverait pas abordable de changer de logement, puisqu’il devrait payer le montant total de la Murabaha restante en cas de changement de logement. Bien que les normes AAOIFI autorisent le financier à rembourser au client le bénéfice restant sur une base discrétionnaire, les normes AAOIFI n’autorisent pas l’inclusion contractuelle de ce rabais dans un accord de Mourabaha. Pour les clients canadiens, cela ne serait pas acceptable car ils exigeraient une garantie à 100 % qu’ils seront remboursés du bénéfice proportionnel de la Mourabaha. En outre, le contrat Murabaha, sans cette garantie de remboursement des bénéfices en cas de règlement anticipé, pourrait être contesté juridiquement car les autorités canadiennes pourraient l’interpréter comme conduisant à un bénéfice « usuraire » / un taux d’intérêt « criminel »[3]en cas de règlement très anticipé.

Complication n° 5 : problèmes de remboursement anticipé

Étant donné que le bénéfice établi à l’origine de l’hypothèque ne peut être modifié, une Mourabaha ne permet pas d’effectuer des remboursements anticipés sur une base contractuelle. Les musulmans ont une forte tendance à l’épargne et nombre d’entre eux souhaiteraient pouvoir effectuer des remboursements anticipés, comme peuvent le faire les autres Canadiens qui contractent un prêt hypothécaire classique au Canada. Comme indiqué ailleurs dans le présent document, dans l’environnement juridique et commercial canadien, les clients canadiens traitant en toute indépendance avec le financier exigeraient absolument que les rabais sur les remboursements anticipés soient un élément contractuel garanti dans le produit proposé.

Complication n° 6 : Impossibilité d’obtenir un prêt hypothécaire à taux variable

Étant donné que le bénéfice établi à l’origine de l’hypothèque ne peut pas être modifié, un produit Murabaha ne peut pas s’adapter aux hypothèques à taux variable. Les prêts hypothécaires à taux variable représentent environ 20 % du marché hypothécaire canadien.

Complication n° 7 : Risque(s) de financement de l’investisseur de détail

En raison des complications susmentionnées, le financement à grande échelle d’un produit Murabaha ne serait pas disponible auprès d’investisseurs professionnels tels que les banques et les fonds de pension. Le financement devrait être obtenu auprès d’investisseurs de détail moins avertis, par exemple par l’intermédiaire d’une société d’investissement hypothécaire (MIC).

Pour souscrire un prêt hypothécaire, le financier devrait financer le même montant dans le MIC. Les conditions d’une MIC fixent une période de remboursement, par exemple 12 mois, ce qui signifie qu’un investisseur peut demander le remboursement de son investissement dans les 12 mois qui suivent son investissement initial dans la MIC[4]. Bien que la MIC puisse théoriquement exiger une période de remboursement plus longue, dans l’environnement et les normes des marchés financiers canadiens, la grande majorité des investisseurs potentiels ne seraient pas intéressés par une telle opportunité d’investissement, ce qui entraînerait les mêmes graves contraintes de financement que celles auxquelles sont confrontés les produits de financement Murabaha conformes à la Charia qui sont proposés au Canada depuis plusieurs années. Le risque de non-concordance des échéances est très important car la période de remboursement (par exemple, 12 mois) est nettement inférieure à la durée de l’hypothèque (par exemple, 10 ans).

Si un investisseur demande à récupérer son argent, le MIC devra remplacer le rachat par un montant identique provenant d’un autre investisseur. Si cela n’est pas possible, parce que les hypothèques ne peuvent pas être légalement appelées, la MIC est mise sous séquestre. Dans ce cas, tous les investisseurs restants devraient conserver leur investissement jusqu’à l’échéance des hypothèques ou recevoir une valeur actualisée de leur investissement. Cette situation susciterait de l’appréhension au sein de la communauté et rendrait peut-être plus difficile pour les futurs entrants sur le marché de fournir avec succès à la communauté des prêts hypothécaires conformes à la charia, financés par des sources d’investissement professionnelles.

De nombreux facteurs peuvent précipiter la situation malheureuse décrite ci-dessus :

Si les taux d’intérêt du marché et les rendements attendus augmentent, les investisseurs peuvent demander le rachat de leur investissement afin de pouvoir investir dans des catégories d’actifs à rendement plus élevé.

Si l’on s’attend à ce que les taux d’intérêt du marché et les rendements escomptés diminuent à l’avenir parce que l’on s’attend à ce que l’économie soit moins performante d’une manière qui pourrait nuire à la performance du portefeuille hypothécaire, les investisseurs peuvent alors racheter leur investissement dans MIC afin de transférer leur investissement vers des options qu’ils peuvent juger plus sûres à l’avenir.

D’autres raisons expliquant la sous-performance du MIC pourraient également entraîner un niveau élevé de rachats de parts du MIC par les investisseurs. La sous-performance peut être due à une souscription de qualité inférieure, à des saisies immobilières plus nombreuses que prévu ou à l’arrivée de concurrents sur le marché entraînant une diminution des ventes de prêts hypothécaires, pour ne citer que quelques exemples.

Une crise du crédit au Canada pourrait entraîner un niveau élevé de rachats de parts du MIC par les investisseurs[5]

Une crise du logement au Canada pourrait entraîner un nombre élevé de rachats de parts du MIC par les investisseurs[6]

Les complications susmentionnées liées à un simple produit Murabaha expliquent la rareté des prêts hypothécaires conformes à la charia au Canada. Bien que certains produits soient proposés, la grande majorité des musulmans n’ont toujours pas accès à un produit hypothécaire permettant d’obtenir un financement sans riba et présentant des caractéristiques suffisamment conviviales pour les clients. En raison de ces complications liées à un simple produit Murabaha, une solution différente est nécessaire.

Moucharaka dégressive (« DM »)

Si quelques produits de Mourabaha existent au Canada, les produits de Moucharaka décroissante sont pratiquement inexistants, en raison des problèmes très difficiles posés par la législation canadienne actuelle, comme décrit plus en détail ci-dessous.

Complication n° 1 : titre de propriété et propriété légale

Comme nous l’avons déjà mentionné, le DM exige la propriété conjointe du bien par le financier et le client. Cela signifie que, selon les normes de la charia et le droit canadien, le titre et la propriété légale doivent être détenus conjointement par les deux parties. Cela signifie que les deux parties partageront conjointement le risque de prix ainsi que la maintenance, la fiscalité et d’autres coûts/responsabilités.

Au Canada, certaines entreprises tentent de contourner ces problèmes en proposant un produit dit DM, dans lequel le titre et la propriété légale appartiennent entièrement au client, auquel elles facturent un « loyer ». Ce n’est pas seulement illégal et non conforme à la charia, mais c’est aussi un mauvais service rendu au secteur de la finance islamique, car cela donne l’impression d’une conduite frauduleuse, trompeuse et non professionnelle de la part des professionnels du secteur.

Complication n° 2 : Impôt sur les plus-values – Coût de la propriété et administration

Comme indiqué ci-dessus, dans une Moucharaka décroissante, le titre de propriété doit être détenu conjointement par le propriétaire et le financier. Cela expose le financier à des risques liés à la double imposition des plus-values, car il ne pourra pas profiter de l’exonération des plus-values qui est disponible pour la résidence principale d’un propriétaire, en ce qui concerne la part de propriété du financier dans le logement.

Plus précisément, en raison de la nature des produits à Moucharaka décroissante, plusieurs transactions d’achat et de vente sont nécessaires au lieu d’une seule. Par conséquent, la CGT sera déclenchée deux fois pour chaque transaction d’achat de logement, lorsque le titre de propriété est transféré d’abord du vendeur au financier, puis du financier au client par tranches pendant la durée du financement.

Bien qu’il soit possible d’éviter la double imposition des plus-values dans le cas d’un produit Murabaha en transférant la propriété directement du vendeur à l’acheteur afin d’éviter la deuxième application de la CGT, cela n’est pas possible actuellement dans le cas d’un produit Musharakah dégressif, dans lequel la CGT serait déclenchée chaque fois qu’une partie de la propriété est transférée du prêteur à l’acheteur pendant la durée du financement.

Complication n° 3 : l’impôt sur les plus-values – une administration excessivement coûteuse

En raison des règles fiscales canadiennes selon lesquelles la CGT s’applique à la juste valeur marchande (« JVM ») de l’objet de la transaction, la JVM devrait être évaluée chaque fois qu’un paiement périodique pour l’achat d’un objet est effectué par le client au financier. Il serait presque impossible et excessivement coûteux pour le financier de gérer l’administration liée à la détermination de la JVM individuellement pour les milliers de propriétés de son portefeuille hypothécaire, de faire approuver la JVM par les autorités, de déterminer la CGT applicable et d’incorporer la CGT dans les paiements périodiques de chaque client individuel. Pour que l’entreprise soit viable, toutes ces dépenses devraient être répercutées sur le client, ce qui rendrait l’opération de financement extrêmement coûteuse et le produit hypothécaire à Moucharaka décroissante non viable pour le client.

EQRAZ et ses avocats ont étudié cette question de manière approfondie et ont examiné la manière dont les produits DM sont traités dans d’autres pays. L’un des exemples trouvés consistait à faire en sorte que le client vende officieusement le bien au financier en signant un accord interne d’achat et de vente qui n’est pas enregistré auprès du gouvernement de l’État, mais qui peut être acceptable pour le conseil de la charia. Cela a permis au financier (en tant qu’acquéreur du bien reconnu par la charia) de relouer le bien au client. Toutefois, les avocats d’EQRAZ ont confirmé qu’en vertu du droit canadien, tout accord « interne » entre le financier et le client devrait être déclaré aux autorités canadiennes et que toutes les règles canadiennes applicables s’appliqueraient. Ne pas déclarer de tels accords internes pourrait être considéré comme illégal au Canada et ne serait certainement pas acceptable pour les investisseurs professionnels, qu’ils soient situés au Canada ou à l’étranger. Par conséquent, ce type d’arrangement a été jugé inapplicable au Canada.

Complication n° 4 : Droits de mutation – Coûts de financement élevés

Comme nous l’avons déjà mentionné, la LTT est déclenchée à chaque fois qu’un bien est transféré d’un propriétaire à un autre. Par conséquent, dans un produit de Moucharaka décroissante, la LTT serait déclenchée deux fois, la première fois lorsque le bien est transféré du vendeur au financier, puis du financier au client lors de chaque paiement périodique de l’achat du bien.

Payer deux fois la LTT serait prohibitif pour la plupart des acheteurs musulmans et les désavantagerait considérablement par rapport aux acheteurs qui contractent un prêt hypothécaire classique portant intérêt. Par exemple, pour une résidence unifamiliale vendue pour une valeur totale de 500 000 CAD, la LTT à Toronto est d’environ 2,6 % (soit 12 950 $), et de 1,3 % (soit 6 475 $) dans le reste de l’Ontario. Le fait de devoir payer ces montants deux fois, pour l’achat de la même résidence unifamiliale, constituerait un obstacle sérieux et injuste à l’accession à la propriété pour le musulman canadien ordinaire, et découragerait fortement les clients potentiels de souscrire au produit hypothécaire islamique.

Complication n° 5 : problèmes de responsabilité juridique

Comme indiqué précédemment, au Canada, les financiers ne se voient généralement pas attribuer de responsabilité juridique pour l’entretien et l’utilisation correcte du bien financé ou pour les questions environnementales liées à ce bien. En tant que tels, ils ne sont généralement pas partie prenante aux poursuites judiciaires en cas de dommages survenus sur la propriété. Cette responsabilité incombe au propriétaire du bien ou (dans certains cas) à l’occupant de ce bien (si le propriétaire n’est pas l’occupant).

Toutefois, un financier proposant un produit hypothécaire à Moucharaka décroissante ne bénéficierait pas d’une telle exonération de ce type de responsabilité, car il devrait être cotitulaire du bien et donc partager les responsabilités du propriétaire, dont les prêteurs hypothécaires conventionnels au Canada sont exemptés. Dans de nombreux produits de Moucharaka décroissante dans d’autres pays (par exemple, le produit de la banque Al Rayan au Royaume-Uni), la responsabilité est transférée au propriétaire par le biais d’une agence de maintenance et d’accords d’indemnisation. Toutefois, en vertu de la législation canadienne actuelle, ce transfert de responsabilité ne peut pas être effectué de manière efficace au Canada.

Même si l’attribution de la responsabilité pouvait être réalisée, les autorités fiscales canadiennes exigeraient que le client soit considéré comme étant financièrement compensé pour avoir assumé cette responsabilité et, à ce titre, exigeraient en outre qu’une taxe de vente harmonisée de 13 à 15 % soit prélevée sur le client.[7](« TVH ») sur la juste valeur marchande des frais d’entretien réputés payés au client. La TVH serait un coût supplémentaire qu’il faudrait d’une manière ou d’une autre refacturer au client, ce qui augmenterait les dépenses liées au financement du DM.

L’exposition du financier au risque de responsabilité en tant que cotitulaire rend un produit de Moucharaka décroissante excessivement risqué à la fois pour le financier et pour ses investisseurs professionnels. En cas de sinistres importants, le financier pourrait se trouver confronté à des difficultés financières et administratives, voire à une mise sous séquestre, ce qui entraînerait le risque que les clients perdent leur logement[8].

Ces facteurs font qu’un produit de Moucharaka dégressive n’est actuellement pas réalisable au Canada.

Ijara

Les complications liées à un produit Ijara pour les musulmans canadiens sont très similaires à celles rencontrées dans le cas d’un produit à Moucharaka décroissante.

Complication n° 1 : Impôt sur les plus-values – Coût de la propriété

Comme dans le cas d’un produit DM, le client serait soumis deux fois à la CGT, une fois lorsque le bien est transféré du vendeur au financier, et ensuite – à la fin de la durée du financement – lorsque le bien est « donné » / transféré du financier au client. En vertu de la législation canadienne, tout bien « donné » ou acheté et vendu entre deux parties ayant un lien de dépendance est considéré comme ayant été transféré à sa juste valeur marchande, et les taxes correspondantes s’appliquent. En raison de cette règle, la CGT sera déclenchée pour un produit Ijara à la fin de la durée (à hauteur d’environ 12,5 % de la plus-value), à la JVM actuelle du bien. Bien qu’il incombe au financier de payer cette taxe, ce dernier souhaiterait être indemnisé pour cette taxe, ce qui signifie que le client finirait par sacrifier 12,5 % de toute augmentation de la valeur du bien, ce qui pourrait rendre la transaction inabordable pour la plupart des clients, sans parler de la nécessité de produire les fonds nécessaires pour payer ce montant substantiel en une seule fois.

Étant donné que les périodes d’amortissement sont longues et que les prix de l’immobilier ont augmenté rapidement au Canada, le montant de cet impôt pourrait être très important et injuste pour les Canadiens musulmans, car ils ne bénéficieraient pas de l’exonération totale des plus-values sur les résidences principales dont bénéficient les Canadiens qui contractent un prêt hypothécaire classique.

Complication n° 2 : Droits de mutation – Coûts de financement élevés

Comme pour un produit DM, le client paierait deux fois le LTT pour un produit Ijara. Étant donné que le titre de propriété sera transféré au client à la fin de la période de financement en une seule fois, le client finira par payer la totalité de la deuxième LTT immédiatement au moment du transfert en une seule fois. Si l’on ajoute cette taxe à la TPS susmentionnée, la transaction deviendrait inabordable pour la plupart des clients. Une autre préoccupation est que de nombreux clients peuvent s’engager dans un financement de DM ou de propriété Ijara avec des financiers qui n’informent pas le client de manière suffisamment détaillée sur ces énormes paiements forfaitaires que le client devra effectuer à la fin de la période de financement, créant ainsi une détresse financière importante pour le client à un moment donné. Les clients ayant eu recours à ces produits, une fois informés de ces complications après l’achat, pourraient même se tourner vers un prêt conventionnel portant intérêt (pour couvrir ces dépenses inattendues) en l’absence d’un autre produit conforme à la charia qui ne présenterait pas ces complications.

Complication n° 3 : risque de faillite

Dans le cadre d’un financement Ijara, le financier détient 100 % du titre de propriété. En vertu de la législation canadienne, le financier serait alors responsable à 100 % de toutes les questions et de tous les coûts liés à l’entretien et à la responsabilité du bien financé. Alors que dans un produit DM, le client conserve une part des coûts susmentionnés, dans un accord Ijara, le financier est seul responsable de tous les coûts. Étant donné que les dommages aux biens, les atteintes à l’environnement ou d’autres problèmes liés à l’entretien peuvent donner lieu à des poursuites et à des paiements se chiffrant en millions de dollars, le risque de faillite créé pour une entreprise de financement détenant des milliers de biens utilisés par des tiers (les clients) et placés sous leur contrôle opérationnel dépasserait largement tout niveau de risque acceptable pour tout investisseur professionnel souhaitant créer une entreprise de DM ou d’hypothèques Ijara à l’échelle.

Conclusion

Lorsque je parle à mes concitoyens musulmans canadiens à la recherche d’un financement immobilier halal, presque sans exception, ils se disent extrêmement préoccupés par la conformité à la charia et la permissivité islamique du produit de financement immobilier halal, mais très peu d’entre eux pensent même au fait que tout un ensemble de règlements et de lois du pays dans lequel ils vivent, c’est-à-dire le Canada, doivent être respectés. Le manque de connaissances financières de la majorité de ces personnes rend d’autant plus difficile la discussion et l’explication des détails pertinents liés aux produits conformes à la charia et à l’interaction, aux compatibilités et aux incompatibilités des lois de la charia avec les lois canadiennes.

Il est facile de créer un produit conforme à la charia. Il est également facile de créer un produit conventionnel conforme aux normes canadiennes. Le véritable défi de ces trente dernières années a été de créer un produit qui fonctionne pour ces DEUX systèmes réglementaires et juridiques.

Alhamdulillah, EQRAZ, avec les bénédictions incessantes d’Allah et le soutien de certains des meilleurs professionnels canadiens et de l’industrie de la finance islamique du Moyen-Orient et du sous-continent, a complété son infrastructure de produits et d’affaires nécessaire pour répandre le financement immobilier halal à travers le Canada à l’échelle dont les musulmans canadiens ont besoin et qu’ils méritent !

« Notre Seigneur, ne laisse pas nos cœurs dévier après que tu nous as guidés et accorde-nous de Ta part la miséricorde. C’est Toi qui es le plus généreux.

Al-Quran [3:8]

[1] En vertu de l’article 18 de la loi sur les hypothèques (Ontario) et de lois largement similaires dans la plupart des autres provinces, un emprunteur ne peut être bloqué dans un contrat hypothécaire avec un prêteur particulier pendant plus de cinq ans. Après cinq ans, tout emprunteur peut proposer de rembourser (racheter) l’hypothèque (même si le contrat hypothécaire avait une durée supérieure à cinq ans), à condition que dans ce cas l’emprunteur donne un préavis de trois mois de son intention de racheter, ou qu’il paie trois mois d’intérêts supplémentaires à la place de ce préavis. Tout produit de financement conforme à la charia au Canada serait soumis à la règle susmentionnée.

[En réalité, cet exemple numérique simplifié sous-estime probablement la gravité de la complication, car un ménage avec un niveau de revenu aussi élevé achèterait probablement une maison plus chère et aurait donc besoin d’un prêt hypothécaire supérieur à 450 000 CAD pour financer l’achat de la maison.

[3] Telle que définie par la législation canadienne.

[4] Bien que la MIC puisse théoriquement exiger une période de remboursement plus longue, dans l’environnement et les normes des marchés financiers canadiens, la grande majorité des investisseurs potentiels ne seraient pas intéressés par une telle opportunité d’investissement, ce qui entraînerait les mêmes graves contraintes de financement que celles auxquelles sont confrontés les produits de financement Murabaha conformes à la Charia qui sont proposés au Canada depuis plusieurs années.

[5] Un exemple de sous-performance de l’économie

[6] Un autre exemple de sous-performance de l’économie

[7] La taxe de vente varie selon la province au Canada

[8] Étant donné que le financier est co-titulaire du titre de propriété avec le propriétaire

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